LA RUTA DEL SOL
Alejandro a ouvert son compteur au Tour de Murcie certes, mais la saison commence vraiment ici, à la Ruta del Sol. Plusieurs jours de course, un plateau pas hyper-dense mais avec quelques têtes d'affiches de haut-vol, et un parcours taillé sur mesure ou presque.
L'épreuve
Avec 4 des 5 dernières éditions au palmarès, difficile de ne pas voir Alejandro comme le favori numéro 1 à sa propre succession. Le parcours se découpe en 5 étapes, pour trois parties distinctes.
- Deux premières étapes pour la bagarre au général. Une première avec un beau col à 20 kilomètres de l'arrivée. Une broutille finalement, quand on sait qu'il y a peu, Alejandro terminait vainqueur en Murcie après plus de 60 kms de fuite.
Une deuxième étape plus difficile avec une arrivée en côte à Jaen devrait faire encore plus la sélection. Un refrain bien connu pour nous sera la clé de la victoire : placement, timing, fraîcheur, explosivité.
- La deuxième partie, une seule étape, finira de décider le classement si besoin en est. Un contre-la-montre de 11 kilomètres, avec quelques reliefs mais rien de fou.
- La troisième partie, deux étape dédiées aux sprinteurs. Du classique, il ne faudra pas se faire piéger, ne pas faire de faute d'attention pour se retrouver dans une cassure ou pire, une chute.
Les adversaires
Difficile de donner avec exactitude tous les rivaux d'Alejandro. L'état de forme joue encore un grand rôle à mi-février et certains coureurs attendus seront encore un peu en retrait tandis que d'autres seront mieux qu'on ne l'aurait pensé.
L'adversaire numéro, c'est Contador. Pas de doute là dessus selon moi. Inutile de vous présenter le coureur et ce qu'il représente, jamais battu tant que la dernière ligne n'est pas franchie. Il y a ensuite une nuée de coureurs capable de jouer les gros bras dans les conditions présentées juste avant. Pinot, Barguil, IIzagirre, Reichenbach, Felline (récent vainqueur à Laigueglia), Wellens, Rosa, Uran, Nieve, Landa, Rolland.
Cela étant, la liste des prétendants fait presque office d'accessoire tant Valverde domine le sujet. L'an passé, il avait repoussé Van Garderen à 26 secondes et Mollema à 52.
L'INTERVIEW
Alejandro a donné une interview très intéressante au site Ciclo21, où il se livre sur plusieurs sujets, de façon inédite.
* Victoires : Ciclo21 souligne à juste titre qu'Alejandro, jusqu'au Tour de Murcie le WE dernier, n'avait plus levé les bras depuis mai 2016 ! Interrogé sur ce sujet de la fréquence de ses victoires, il répond : "Ce n'est pas quelque chose qui me préoccupe. (...) Sur le Tour je dépendais de Nairo, et sur la Vuelta, aussi. En réalité, je n'ai pas couru d'autres courses. Durant toute l'année j'ai couru les Grands Tours."
* Un échec : il est rare d'entendre Alejandro parler d'une course comme d'un échec. C'est pourtant ainsi qu'il considère les JO de l'an dernier. "Gagner est toujours très difficile, mais la course où j'ai failli a été les JO. Je crois que ça a été mon unique échec de l'an dernier. Pourquoi ais-je failli ? Je ne sais pas. Je n'ai pas voyagé fatigué, mais une fois là-bas oui il est certain que je me suis senti fatigué toute la semaine. Je ne sais pas si c'était à cause du climat [risque soulevé par Bernard plusieurs fois avant la course d'ailleurs], de la baisse de régime après le Tour...je ne sais pas". Mais il ne cherche pas à se trouver d'excuses : "la pression ? Non, un coureur avec mon expérience ne peut pas utiliser ça comme excuse. Ca n'a rien eu à voir avec la pression. Simplement, je n'avais pas de sensations...rien de plus".
* Intersaison : Il dit qu'il a terminé son défi des 3 Grands Tours l'an dernier très fatigué, mais qu'il a passé "un très bon hiver" et qu'il a décidé de "resigner jusqu'en 2019 parce que les sensations sont très bonnes".
* Le Tour des Flandres. Que s'est-il passé pour qu'Alejandro renonce tant de fois à le disputer au dernier moment ? La réponse à cette question est précédée d'une moue et d'un silence, raconte Ciclo21. "Je ne sais pas. En vérité je ne sais pas ce qui m'arrive avec le Tour des Flandres", dit-il, ennuyé. "Peut-être en ais-je peur...ou que j'en éprouve du respect. C'est une course qu'il faut bien connaître...Peut-être que je regrette de ne pas l'avoir couru avant pour apprendre et ensuite pouvoir la gagner. Je ne l'ai jamais fait. Tout le monde me dit qu'elle peut très bien m'aller, et on me dit aussi qu'elle est très dangereuse. Surtout, avant que se produise le premier écrémage".
Il y a maintenant deux ans, "j'avais mon vélo préparé pour aller la courir. Ils me l'avaient préparé spécialement pour moi, mais finalement je n'ai pas osé." Alejandro reste en silence...et au moment où le journaliste s'apprête à changer de sujet, il lève la tête et lance : "quand est-ce exactement ?" demande-t-il. "Toujours le premier dimanche d'avril. Cette année cela tombe le 2 avril", répond le journaliste. "Autrement dit, ça ne coïncide pas avec la Tour de Catalogne" [20-26 mars] et il sourit. "Tu es en train de me dire que tu penses faire le Ronde ?" demande le journaliste. De nouveau silence. "Je ne sais pas. J'aimerais...Putain, je ne dis pas que non ! Regarde, l'an dernier j'avais le Giro et cela me faisait très peur de chuter...Mais cette année je ne fais pas le Giro. Je n'ai pas le Ronde inscrit dans mon programme mais...qui sait. Je n'écarte pas l'idée que cette année je me décide à le courir".
* Interrogé sur la relève espagnole, il dit ceci : "Je crois qu'arrivent des jeunes comme Ruben (Fernandez), Landa, Jesus Herrada...on ne sait pas si c'est une question d'un, deux ou trois ans mais l'important est que la relève est en marche. Ce qu'on ne sait pas, c'est si elle sera capable d'être comme ce qui s'est fait jusqu'à aujourd'hui : une époque dans laquelle se gagnaient des classiques, Championnats du Monde, grands Tours, et où nous faisions des places d'honneur partout. Sera-t-elle aussi bonne ? Eh bien c'est quelque chose qu'on ne sait pas, mais ce dont je suis sûr qu'il y aura une relève".
* Sa 1ere partie de saison 2017 : "Les ardennaises constituent mon premier grand objectif. Amstel, la Flèche et Liège sont les courses les plus importantes de ma 1ere partie de saison. Avant cela on aura le Tour de Catalogne [a-t-il tranché en faveur de la Catalogne, donc ? A confirmer encore], Paris Nice..." même s'il dit à propos de la Course au Soleil qu'il "n'arrivera peut-être pas aussi en forme que voulu, mais si c'est une belle course, importante".
* Le Tour : "C'est clair et net que sur le Tour je viendrai pour aider Nairo. Mon rôle sera le même que l'an dernier." Ciclo21 note intelligemment qu' "à le dire aussi fermement, il donne toujours l'impression de courir avec la main sur le frein, surtout en première semaine". En réaction, Alejandro reconnaît : "je dois me freiner. On va sur le Tour avec un objectif qui est très clair. Il faudra être là, mais l'important est Nairo, et on ne peut pas se permettre de prendre des risques ou se dépenser plus qu'il ne faut, avec lui en leader". En quelques mots anodins en apparence, beaucoup de choses sont dites...(même si elles sont dites en toute bienveillance de la part d'Alejandro).
* La Vuelta : "J'irai en leader. C'est une Vuelta très dure, avec beaucoup d'arrivées compliquées, même si c'est vrai qu'elles ne sont peut-être pas si explosives. Mais ne nous trompons pas : cette Vuelta est extrêmement exigeante. Elle est terrible." A propos de ses qualités de puncheurs il dit ceci : "En théorie, avec le temps, on perd un peu de son punch, mais aujourd'hui je continue de me voir comme un coureur explosif, de sorte que les arrivées de la Vuelta ne me déplaisent pas. Cela dit c'est vrai qu'il y a des jeunes qui progressent et c'est chaque fois plus difficile de les battre".
* Le Mondial : il ne nie pas le fait que c'est une course qui manque à son palmarès mais ce n'est plus une obsession pour lui comme il y a quelques années. Même phénomène que le Tour, donc. On sent qu'Alejandro est réellement plus serein désormais vis-à-vis de cette pression. "Je ne reste pas en activité pour gagner un Mondial. C'est clair que c'est un objectif que j'ai bien ancré en moi. Ce n'est pas une épine...c'est quelque chose. Je continue parce que je me sens motivé, l'équipe me fait confiance, et parce que je prends beaucoup de plaisir à continuer ici".
"C'est une course qui me résiste. Je ne me donne pas vaincu, mais ça me "coûte" beaucoup et il faut juger correctement si je suis le coureur le plus fort de la sélection espagnole. Si c'est le cas, on courra pour moi, mais si le parcours avantage plus un autre, on ne va pas rater l'opportunité pour le simple fait de courir pour moi." Cela étant, avec le retraite de Purito et en pensant à un parcours pour coureurs de classiques comme lui, personne dans le peloton espagnol ne semble avoir autant de garantie que lui, écrit Ciclo21. "Effectivement, c'est vrai que sur le papier et en théorie, il n'y en a pas. In fine, comme je disais, tout dépend du parcours. S'il est exigeant, je serais le leader idéal. Mais on verra. Bergen est encore très loin".
* Le classement UCI de meilleure équipe : "C'est un objectif qui arrive de façon secondaire. Cela demande beaucoup d'efforts d'être la meilleure équipe du monde. On l'a gagné 4 fois et on la gagnera pourquoi pas une 5e fois, mais je crois qu'on court plus en pensant au niveau individuel, et quand on voit que cet objectif se rapproche alors c'est à ce moment qu'on peut adapter l'équipe pour jouer volontairement la victoire dans le classement."
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Réactions post-Tour de Murcie :
J'ai lu plusieurs commentaires élogieux un peu partout sur Internet, et je trouvais que cela méritait d'être cité ici. Le rédacteur du site laflammerouge.com, pourtant loin d'être complaisant avec Alejandro d'habitude, écrit ainsi : "Ce type est incroyable nom de Dieu! Il a remporté samedi de brillante façon le Tour de Murcie, une course qui se déroule sur ses parcours d’entrainement. Valverde a déposé tout le monde où et quand il l’a voulu, démontrant une supériorité physique peu commune: il s’est tapé 70 bornes d‘échappée solo! Il suffit d‘écouter la réaction à l’arrivée de Tony Gallopin, pourtant lui aussi bien en vue en ce début de saison, pour s’en convaincre. (...) À 36 ans, il n’a donc rien perdu de sa classe, et semble prendre chaque année plus de plaisir à rouler sur son vélo"
Dans les commentaires, un bel éloge d'un lecteur du site, qui n'était pas supporter d'Alejandro auparavant : http://laflammerouge.com/le-tour-de-lactualite-138/#comment-496795, conforté par un autre lecteur un peu plus bas ("Moi aussi, ce coureur me laissait indifférent il y a quelques années. Maintenant, j’en deviens quasi fan.").
Venga Alejandro ! Et la saison ne fait que commencer.
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